Le 12 novembre 1871 une délégation d’une quarantaine de personnes, dirigée par le prince Iwakura, assisté de quatre vice-ambassadeurs dont Kido Koin, Ito Hirobumi et Ôkubo, partait de Yokohama pour renégocier les traités inégaux que les puissances occidentales avaient imposés au Japon. Le gouvernement, privé de ses principaux éléments, était chargé d’expédier les affaires courantes jusqu’au retour de l’ambassade. En particulier, Saïgo s’était engagé par écrit à ne rien entreprendre dans l’entretemps. Comme il était contre l’envoi d’une telle délégation, il se trouvait à nouveau dans la position de mettre en œuvre une politique à laquelle il ne croyait pas.
La crise coréenne de 1873
Le prétexte de la crise fut le refus des autorités coréennes d’ouvrir des relations diplomatiques et commerciales avec le Japon, du moins aux termes exigés par celui-ci. Le gouvernement de Tokyo voulait, entre autre, que la Corée reconnaisse au souverain japonais le titre d’Empereur, ce à quoi elle se refusait, car elle le réservait jusqu’alors à l’Empereur de Chine. Pour les autorités japonaises, il s’agissait là d’une insulte intolérable. Ce qui pourrait sembler une simple affaire de susceptibilité autour de questions de préséance et d’honneur était en fait une tentative de créer un fait accompli par lequel la Corée aurait avalisé les prétentions japonaises à une suzeraineté sur la péninsule. De plus, l’idée d’une expédition militaire n’était pas pour déplaire aux nombreux samouraïs privés d’emploi, et ces derniers exerçaient une forte pression en ce sens sur le gouvernement.
L’idée d’une intervention en Corée venait de loin : Yoshida Shoin (voir AJ no 26) avait dans un de ses ouvrages annoncé qu’une des conséquences de la restauration impériale serait la conquête de Formose, des Iles Kouriles, du Kamtchatka, de la Corée et de la Mandchourie. On sait comment ce programme fut réalisé entre les années 1880 et 1945.
En 1869, Kido, qui allait s’opposer aux interventionnistes en 1873, écrivait dans son journal : « En nous fixant un pays d’outre-mer (la Corée) comme objectif, nous feront des progrès dans le développement de toutes sortes de connaissances pratiques et de technologies. »
Le désaccord ne portait pas sur les objectifs, mais sur le calendrier.
Alors qu’une partie du gouvernement penchait pour une démonstration de force militaire, Saïgo proposa de se rendre en Corée comme plénipotentiaire. Son idée était que soit les Coréens acceptaient ses conditions, soit, et c’est ce qu’il prévoyait, il serait tué, ce qui justifierait pleinement une intervention militaire et la subjugation du Pays du matin calme. C’est exactement ce qu’il avait fait au cours de l’expédition contre Choshu en 1865.
A sa grande déconvenue, le retour de la délégation Iwakura, rappelée d’urgence, vient metttre un terme à ces plans, et il doit une fois de plus remettre à plus tard son désir de mort. Ayant vu de près la réalité de la puissance occidentale et ne voulant pas risquer un affrontement à ce point, Ôkubô s’oppose résolument à toute action inconsidérée qui pourrait déclencher un conflit armé et fait annuler la mission de Saïgo qui n’hésite pas à démissionner de tous ses postes et titres, sauf celui de général, et à informer l’empereur qu’il renonce à tout jamais à tout rôle dans la vie publique.
Retournant à Kagoshima, il allait y mener à nouveau une vie de hobereau provincial misanthrope, évitant les contacts sociaux et passant de plus en plus son temps en compagnie de ses chiens.
La seule activité publique de Saïgo était centrée sur le Shigakko, une institution d’enseignement qu’il avait crée en 1874. Il s’agissait en fait d’un réseau d’écoles où les jeunes qui l’avaient suivi après son départ de Tokyo recevaient une éducation basée sur les classiques chinois et les arts militaires. Ne comptant que 800 élèves au départ, deux ans plus tard le système av …