A Tokyo, Ueno Koen, le parc d’Ueno, est l’un des sites à la visite desquels aucun visiteur ne saurait échapper. C’est là qu’au printemps l’on va admirer les fleurs de cerisier, c’est là qu’est le zoo de Tokyo et le Musée national. A l’entrée du parc le visiteur peut apercevoir une statue en bronze représentant un homme de grande taille, corpulent, débonnaire. Il est vêtu d’un simple kimono. Il semble être venu au parc pour promener son chien. Malgré un wakitashi passé à la ceinture, rien de moins martial que ce gentilhomme campagnard prenant l’air. Ce monument, l’un des plus célèbres du Japon, est dédié à la mémoire de Saïgo Takamori, « le dernier samouraï ».
Cette statue est symbolique à plus d’un titre. Elle rend hommage à un des acteurs qui ont contribué à débarrasser le Japon de la chape que faisait peser le régime des shoguns Tokugawa, le Bakufu, sur le pays et lui ont ainsi permis de devenir en quelques décennies une grande nation moderne. Et ce en un lieu qui fut le site d’une des batailles décisives de cette « restauration-révolution ». Mais inaugurée en 1898, un peu plus de vingt ans après la mort de Saïgo lors de la bataille qui mit fin à la révolte de Satsuma, elle marque la dérive ultra-nationaliste et militariste qui conduisit le Japon à la défaite et à la capitulation sans conditions de ses forces armées moins de cinquante ans plus tard. On raconte que le general MacArthur essaya de faire enlever du parc la statue de Saïgo, en raison de ses connotations nationalistes mais que la résistance de la population de Tokyo l’en empêcha.
Nous verrons que le sculpteur à qui nous devons ce monument, Takamura Kôun, a en fait mieux saisi la vérité du personnage que tous les récits héroïques qui lui sont consacrés.
Les pratiquants d’aïkido ont une raison particulière de s’intéresser à Saïgo Takamori : au delà du rôle indéniable qu’il a joué dans la restauration/révolution Meiji, c’est l’image de héro-modèle qu’ont eu de lui les protagonistes de l’histoire du milieu dans lequel est né et s’est développé l’aïkido.
Parmi tous ceux qui ont participé activement à l’œuvre de rénovation entreprise dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle (en particulier Iwakura Tomomi, Okubo Toshimichi, Hirobumi Ito, Koin Kido, Sakamoto Ryoma) seul Saïgo Takamori a accédé au Panthéon moderne, l’holywoodi-sation. Le film « Le Dernier Samouraï » se veut en effet la représentation enjolivée de la révolte de 1877 où Saïgo trouva la mort. Nous avons déjà montré dans l’éditorial d’AJ no. 12 la part de contre-vérité historique véhiculée par ce film. En fait entre la représentation populaire