Les promesses trahies de l’Aïkido


Léo pendant notre entrevue …à Paris

Le nombre de pratiquants d’Aïkido est en baisse nette de façon constante depuis plusieurs années. C’est un fait INCONTESTABLE que démontrent les chiffres publiés par le ministère des sports. Pourquoi l’Aïkido qui connut un essor si spectaculaire il y a moins de cinquante ans s’effondre-t-il ? Pourquoi perd-il de son attractivité alors que les autres disciplines martiales, qu’elles aient été présentes sur le “marché” avant ou soient arrivées après, ont réussi à conserver leurs adeptes et à en gagner de nouveau ?
Les raisons sont évidemment multiples, et on ne pourra trouver d’explication simple à un phénomène complexe. J’aborderai aujourd’hui l’une des plus évidentes, les promesses non-tenues…

Quelques chiffres effarants
J’avais depuis longtemps l’intuition que l’Aïkido était en berne. Je n’avais toutefois que mes expériences subjectives pour appuyer mon opinion. Jusqu’à ce que je reçoive l’article “L’Aïkido en France : quelques éléments d’une évolution démographique”, d’Emmanuel Betranhandy. Voici quelques faits marquants relevés par Emmanuel.

“Sur les 16 années considérées (2000 à 2015), le nombre de licenciés est globalement à la baisse pour les deux fédérations, (…) (-1332 licenciés pour la FFAAA, -2500 pour la FFAB).”

“… de manière plus globale, si l’on compare l’évolution de la population de licenciés en France à celle de la population française, le recul de la pratique de l’Aïkido en France est encore plus flagrant. … la population française est passée d’environ 58 millions à environ 64 millions d’habitants sur la plage de temps considérée (2000-2015), soit une augmentation de 9,2 %, tandis que celle des licenciés (total FFAB + FFAAA) passait de 57168 à 53336, soit 6,7 % de baisse. Si le nombre des licenciés était resté proportionnelle à celui de la population française, le nombre de licenciés en 2015 serait de 62427, soit une différence de plus de 9000.”

Arrivé en France auréolé d’une aura de mystère dans les années 50, vivant un boom extraordinaire dans les années 60 avec la présence simultanée sur le territoire des pionniers Nakazono Mutsuru, Noro Masamichi, Tamura Nobuyoshi, André Nocquet et Mochizuki Hiroo, pourquoi l’Aïkido n’a t-il pas réussi à devenir une discipline majeure comme ses aînés le Judo et le Karaté ?

Un art martial “supérieur” !
Porté par des adeptes aux prouesses martiales avérées tels que Mochizuki Minoru et Abe Tadashi, l’Aïkido fut surnommé à ses débuts “Jujutsu supérieur” ou “Self défense supérieure” par les pratiquants, essentiellement de Judo, qui virent arriver la discipline. Si les pionniers qui suivirent continuèrent à éblouir par leur efficacité martiale, certains des nouveaux venus tels que maître Nakazono et maître Tsuda présentèrent en outre l’aspect spirituel de cette nouvelle Voie.
Répondant à deux des aspirations les plus communes de l’humanité, la préservation de l’intégrité physique et le développement spirituel, l’Aïkido commença son développement sur les chapeaux de roues. Noro senseï fut ainsi à son arrivée à l’origine de la création de deux cent dojos en Europe en deux ans !

Quand la machine se grippe …
Tout s’est toutefois compliqué lorsque l’Aïkido atteint la taille critique où le nombre de pratiquants était si élevé que furent désignés des enseignants intermédiaires. Affublés de divers titres les décrivant comme experts, qui régional, qui national, ces fidèles motivés et disponibles eurent la charge de transmettre l’enseignement de leurs maîtres respectifs. Les élèves ne voyaient alors plus les géants de la discipline que de rares fois dans l’année. Avec l’évolution des moyens de transport et la circulation de l’information, ces derniers passaient d’ailleurs une grande partie de l’année à voyager à travers le monde pour transmettre leur art.
La transmission se fait naturellement de cette façon. Avec un maître “âgé” au sommet de son art incarnant un idéal de pratique, secondé par des experts dans la force de l’âge démontrant une perfection technique, et soutenu par des anciens chevronnés présentant un travail solide et efficace. Une structure schématique que l’on retrouvait traditionnellement à l’échelle d’un dojo comme d’une école, et qui aurait été souhaitable à l’échelle des fédérations.
Mais la machine s’est grippé. La réputation de la discipline s’est dégradée, l’engouement est tombé, les anciens ont commencé à déserter et les nouveaux à se faire rare. Parce que les pratiquants ne voulaient pas d’intermédiaires ? Pour quelques intégristes sans doute. Mais le problème principal ne venait pas du fait qu’il y avait un échelon de plus dans l’échelle de la transmission, mais que celui-ci n’était pas capable de remplir sa mission.

Amateurs et professionnels
La transmission a besoin d’enseignants amateurs, de semi-professionnels et de professionnels. C’est une évidence. Chacun a son rôle, et l’absence de l’une de ces catégories rend l’ensemble du système inefficace. Le malheur est que les chefs de file de l’Aïkido ont dû confier à des amateurs, ou dans le meilleur des cas des semi-professionnels, des charges qui auraient dû incomber à des professionnels.
Oh il existe bien sûr de rares exceptions où un amateur est si passionné qu’il rogne sur d’autres domaines de son existence pour pouvoir atteindre des compétences comparables à celles d’un professionnel. Toutefois chacun s’accordera à sur le fait qu’entre sa famille, sa carrière et ses éventuelles autres passions, un amateur, et même un semi-professionnel, ne peut atteindre le même niveau qu’une personne dont c’est la profession. Et cela se vérifie tant dans les domaines physiques qu’intellectuels.

Déception
Dans la pyramide de l’Aïkido, passé le sommet, c’est ainsi à tous les étages que s’est répercuté cette erreur de casting. Des pratiquants passionnés qui auraient faits de bons anciens dans un dojo se sont retrouvés enseignants. Des enseignants amateurs se sont retrouvés responsables techniques régionaux sans avoir les outils nécessaires pour assumer cette charge. Et des experts locaux sont devenus enseignants nationaux en n’ayant ni les capacités techniques, ni les connaissances sur l’histoire, l’esprit et la philosophie de la discipline que nécessitait un tel poste.
Certains, rares et dignes de respect, se hissèrent à la hauteur de l’honneur qui leur était fait en redoublant d’efforts. Pendant ce temps, une grande partie des nouveaux venus se mit à comploter pour garder leurs postes qu’ils savaient menacés. Les rares ayant le niveau de leur fonction furent amers de côtoyer des incompétents, et beaucoup se mirent à l’écart d’eux-mêmes ou fondèrent leurs propres groupes. Une montée dans la hiérarchie qui correspondait pour certains à… occuper un poste pour lequel ils n’étaient pas qualifiés et reproduire le comportement qui les avait fait fuir.

Ce triste jeu de chaise musicale où chacun occupe un poste supérieur à ses capacités a eu tôt fait de ternir la réputation de la discipline car, au regard des autres arts martiaux, l’Aïkido était à chaque fois représenté de façon défavorable.
Les nouveaux élèves se trouvaient face à des enseignants n’ayant pas terminé leur formation, les “experts” régionaux et nationaux n’avaient pas le niveau que l’on attendait d’eux, et les démonstrations publiques finirent de discréditer aux yeux de la population une discipline autrefois réputée pour son efficacité.

Faire ses preuves
“Dans son étude des données de la FFAAA (saisons 1987 à 2005) datée de décembre 2008 , Jean-Marie Duprez, (…) indique que plus de 60 % des premiers inscrits abandonnent en cours ou en fin de première année, la deuxième année voyant également près de 50 % de départs. A cinq ans, 10 % des premiers inscrits seront encore là, à 15 ans, 3 %.”

Bien entendu chaque discipline voit son lot d’abandon. Mais si l’incompétence n’est pas le monopole de l’Aïkido,


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