Le point de vue d'editions n°39FR d'AJ – 2ème partie.

L’efficacité de l’esthétique en aïkido


André Cognard à Bourg Argental – 2011.

L’attitude d’opposition interrompt l’écoulement du ki, l’écoulement du temps et le déploiement de l’espace. Elle s’oppose à l’évolution du monde dont le principe est la multiplication des relations pour créer le mouvement de complexification qui lui est nécessaire.
Il est intéressant de noter que l’harmonie avec l’univers à laquelle se référait O Sensei se réalise toujours dans une relation dialectique identité altérité, l’autre, même quand il s’agit d’un individu, revêtant toujours un caractère universel. La question du lien et celle du conflit sont à examiner sous ce jour là. Le lien est la manière que nous avons d’associer nos forces au développement universel, le conflit est le moyen de nous y obliger quand nous sommes dans l’illusion de l’existence d’un je isolé, c’est-à-dire quand nous prétendons consciemment ou inconsciemment transgresser la règle universelle de l’interdépendance.
L’esthétique serait pour une part la mise en évidence de l’interdépendance et donc, à la fois des sujets et de la relation. Nous ne sommes pas loin de l’idée d’amour dont l’existence dépend d’abord de la séparation des sujets qui s’unissent par celui-ci. De là à dire que l’harmonie qui crée le sentiment esthétique est substantiellement la mise en évidence de l’amour, il n’y a qu’un pas que l’on peut faire facilement quand on songe à la laideur que produisent les régressions vers un je trop petit, défensif voire agressif. Je ne crois pas nécessaire de dire les dévastations de la guerre, du conflit violent et la laideur qui en découle. Celle-ci, anti-esthétique par définition est cela parce qu’elle montre l’incapacité à œuvrer ensemble pour une tâche qui nous est attribuée en commun puisque le conflit nous réunit. Et l’origine de cette incapacité est l’étroitesse et l’agressivité défensive d’un ego convaincu de son droit d’être alors qu’il n’a nulle idée de son devoir être.
Ces régressions vers un je egocentrique ont pour effet de saturer l’espace, de rendre les techniques inopérantes et de restreindre le corps à une dimension inférieure à celle qu’il occupe naturellement au repos. Le corps grimace, gesticule au lieu de gestualiser. A l’inverse de cette saturation de l’espace se trouve une expansion vers l’infini qui rend toute force caduque, toute vitesse insuffisante, toute attaque inefficace. Cela est possible quand les espaces relationnel et gestuel sont créés par une conscience qui s’ouvre vers l’horizon universel. L’esthétique serait donc, d’autre part, la capacité à manifester l’impermanence en maintenant le mouvement continu d’expansion de l’espace, signe indiscutable de l’écoulement du temps.
La condition à cette ouverture est la vacuité. Le vide autour duquel s’organise le monde doit être perceptible et perçu. Montrer le vide, c’est montrer l’esprit. Il n’existe aucune centralité si ce n’est la vacuité. Que pourrait être le centre d’un infini ? Ce qui crée l’infini, c’est l’incréé. Ainsi donc, la thématique du seika tanden, la croyance dans le hara, centre vital, épouse la conception d’un univers infini parce que sans substance, ou dit autrement, parce que sa substance est le vide. En effet, comment imaginer qu’un infini puisse naître dans un objet ? Comment imaginer une autre forme d’expansion que dans tous les sens et directions sans définir une règle qui serait antérieure à cette expansion et qui conditionnerait ladite expansion par sa prédétermination? Comment alors penser qu’une règle puisse exister avant le commencement ? Ne serait-elle pas le commencement et à quelle règle aurait-elle obéi pour être ? Le mouvement de l’univers est chaotique tant qu’il ne trouve pas de règle pour se développer comme l’aikido est chaotique tant qu’il ne se donne pas une éthique et ne la fait pas vivre dans une morale esthétique incorruptible et démontrée. Cette démonstration est faite par Jigoro Kano « minimum d’effort, maximum d’efficacité » « entraide et prospérité mutuelle », par O Sensei « la vraie force du budo c’est l’amour » «  le conflit est créateur » » c’est l’univers qui bouge comme l’aikido ». Peu d’énergie et de gestes pour produire beaucoup, c’est beau et efficace. Beaucoup pour produire peu, c’est laid et inefficace.
La conjonction des …

© Copyright 1995-2024, Association Aïkido Journal Aïki-Dojo, Association loi 1901