Le point de vue d'editions n° 31FR d'AJ.

Do et Aïkitaiso


André Cognard à Bourg Argental – 2011.

L’idée de do n’est certes pas une nouveauté dans le monde des arts martiaux et en particulier dans celui de l’aikido. Pourtant, je me demande souvent à la lecture de certains articles, y compris ici dans aikidojournal, si ce concept a encore un sens pour certains pratiquants. Loin de moi l’idée de faire l’éloge d’un aikido traditionnel par rapport à un aikido sportif, le mot tradition servant souvent de prétexte à des polémiques stériles et la tradition n’étant pas en soi une panacée légitimant à coup sûr une pratique. Il en est d’illustres que l’on ne saurait approuver. La tradition n’est pas non plus une garantie quant à la valeur spirituelle d’une pratique, car c’est bien de cela dont il s’agit quand on parle de voie : une pratique spirituelle. J’ai déjà écrit sur la question religieuse, dans ces colonnes mêmes, mais je ne peux faire l’économie de le dire encore une fois, que pour moi, spiritualité et religion sont des concepts bien différents. L’une, la spiritualité est le fait de l’anthropos. Elle existe depuis que l’humain existe. L’autre, la religion est avant tout ethnique et s’inscrit dans la culture au travers de ce qui caractérise l’objet ethnologique, la langue. Je dis bien la langue et non pas la parole, et cette précision prendra toute son importance ci-après. La spiritualité n’est pas un objet ésotérique. Elle est simplement l’exercice de la conscience comme le miroir de la réalité. Aikido, « la voie qui mène à s’oublier » disait Kobayashi Sensei soulignant ainsi la nécessaire modération de l’ego. Contrairement à ce que nous disent les sports, les pratiques modernes et les techniques de développement personnel, il n’existe pas de liberté dans l’expression de soi, celle-ci étant conditionnée par les outils ethnologiques et culturels dont nous dépendons. Les tenants farouches pour leur liberté d’opinion peuvent toujours méditer sur le fait que celle-ci est conditionnée par les inconscients transgénérationnels, les inconscients sociaux et culturels, la conscience ancestrale, la conscience biologique et j’en passe. Leur revendication du droit de revendiquer n’est que l’expression de leur allégeance inconsciente et donc absolue à une loi qu’ils ignorent, précisément parce qu’ils ne suivent pas la voie : le monde se dit à travers eux et le monde s’exprime par geste. Ce qu’ils prennent, fort de leur ignorance, pour un critère de leur personnalité et expriment souvent de manière tonitruante, car bien sûr, ils sont très attachés à eux-mêmes, n’est qu’un geste fait par une conscience qui les contient et dont ils ne connaissent pas l’existence. J’ai fait scandale en disant, dans le cadre de réunion politique, que la société produisait exactement le nombre d’enseignants dont elle a besoin mais aussi, exactement le nombre de délinquants, de criminels dont elle a besoin. Et bien, la voie propose de se remettre à la vie et de se laisser travailler par elle comme une pâte est pétrie par le boulanger. Elle propose cette harmonie qui s’obtient quand interdépendance rime avec compassion et solidarité, quand impermanence signifie «  je suis mortel », quand non noumène impose la compréhension de la futilité de ce je que certains font reluire jusqu’à la déchirure, et quand «  celui qui ferait de lui-même le vide serait maître de toutes les situations » se traduit bien par « étant mushotoku, sans intention ni pensée, je reste moi-même quand la vie me modèle pour dire l’essentiel, l’essence même » et non pas «  je suis tout puissant grâce à ma technique supérieure qui fait de moi le maître du monde ».



Mais pour comprendre que l’aikido est la voie qui mène à la tolérance parce qu’elle donne accès …

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