Régis Soavi

Entretien à Toulouse mars 2008.


Régis soavi au Dojo à Toulouse mars 2008.

Quand avez-vous commencé à pratiquer les arts martiaux ?

J'ai commencé le judo quand j'avais 12 ans, en 1963, en banlieue parisienne. Et ça m'a bien plu ! Avec un ami du lycée, on avait fabriqué, avec des palettes, un petit dojo dans une cave de l'immeuble où ma mère était concierge. Lui faisait du karaté, moi je faisais du judo, et on s'entraînait tous les deux. C'est à ce moment-là que j'ai commencé, et j'ai arrêté en 68. Il y avait des mouvements sociaux, et donc j'avais autre chose à faire.
J'ai recommencé au cours de l'année scolaire 1972-73 rue de la Montagne Sainte-Geneviève, chez Me Plée, avec Roland Maroteaux. En fait je voulais recommencer le judo… à l'époque, à la Montagne Sainte-Geneviève, on pouvait pratiquer judo, karaté et aïkido pour la même cotisation. J'ai essayé un peu le karaté – j'en ai fait, je crois, deux séances – mais ça ne m'a pas plu. Le judo de cette époque… j'avais l'habitude d'un judo beaucoup plus souple : comme la branche avec la neige qui se dépose dessus, puis d'un seul coup lâche et remonte… c'était le judo que j'avais appris. Entre temps il y avait eu Anton Geesink et compagnie, le judo était devenu [un entraînement basé sur] „ un spécial “, avec un travail tout à fait différent, et je n'ai pas aimé. Par contre, après la séance de judo, il y avait de l'aïkido avec Roland Maroteaux, et quand j'ai vu ça, je me suis dit : „ C'est ça que je veux faire “.
Et donc j'ai commencé l'aïkido avec Roland Maroteaux. Roland Maroteaux avait de bons rapports avec Me Tsuda, et c'est grâce à lui que j'ai rencontré Me Tsuda. Je crois, mais je ne me souviens pas très bien, que c'était au dojo Zen de Paris. Maroteaux organisait des stages pour Me Tsuda et c'est là que je l'ai rencontré pour la première fois.

Me Tsuda m'a alors beaucoup choqué, parce que Maroteaux était, à l'époque, un pratiquant assez fort, assez dur. Et de voir Me Tsuda pratiquer avec Maroteaux, de la façon dont Me Tsuda pratiquait, je me suis dit : „ Ce n'est pas possible… il y a quelque chose… c'est bizarre… “. C'était vraiment étrange. Et c'est comme ça que j'ai commencé à aller aussi chez Me Tsuda, à l'époque c'était au Pont de Charenton, rue des Epinettes.

Me Maroteaux est encore vivant, et il travaille avec Cristian Laiber que nous avons interviewé en Roumanie.

Oui, il est dans la Drome. Il a fait l'école Takeda… J'ai travaillé un an avec lui, puis il est parti au Japon. Et maintenant il fait autre chose, c'est aussi aïki, mais c'est une autre école d'aïkido. Avec lui j'ai fait un peu de jiu-jitsu Hakko Ryu. Ensuite il y a eu Bernard Deshors, un élève de Me Noro, avec qui j'ai travaillé pendant un an. Puis il est parti, et est venu Daniel Toutain, qui maintenant est de l'école Saïto. Quand j'étais avec Bernard Deshors, j'allais aussi pratiquer chez Me Noro. Donc au bout de deux ans, deux ans et demi, comme Bernard Deshors était parti, j'ai été chargé de m'occuper des débutants, et Daniel Toutain faisait les anciens. Donc on faisait tous les deux des séances à la Montagne Sainte-Geneviève, comme assistants de l'école Noro. A ce moment-là, j'ai beaucoup travaillé chez Me Noro, qui était à l'époque rue des Petits-Hôtels. Il ne faisait pas le kinomichi, c'était encore l'aïkido. C'était l'époque où il y avait Toutain, Delestrant, c'était une équipe de gens qui faisaient de l'aïkido avec lui. Puis Daniel est parti… C'était une époque un peu spéciale, les années soixante-dix… Par exemple, avec Maroteaux, à cette époque-là, travaillait aussi Jacques Muguruza, qui est aujourd'hui le responsable de l'école Yoshinkan pour l'Europe. On était dans le même dojo ! Il n'y avait pas tant de dojo que ça, donc on tournait dans tous les dojos.
Un jour, je ne me souviens plus de la date, alors que j'enseignais à la Montagne Sainte-Geneviève, je vois arriver quelqu'un, et c'était Me Nocquet. Je le reconnais parce que j'avais vu des photos, mais je ne le connaissais pas personnellement. Il vient dans le dojo, il s'asseoit. J'ai la trouille… Je fais la séance pour les élèves, et à la fin Me Nocquet s'approche de moi et me dit : „ Vous avez quel dan ? “ Je lui réponds que je n'ai pas de dan, que j'ai le hakama, mais pas de dan. Et il me dit : „ Ah bon. Très bien. Premier dan ! “ Bon. Comme ça je me retrouvais être, d'un côté, „niveau 5“ chez Noro, 1er dan chez Nocquet… Des choses un peu différentes… On était encore à l'ACFA, l'Association Culturelle Française d'Aïkido.

Parallèlement j'ai continué à pratiquer chez Me Tsuda parce qu'il y avait quelque chose chez Me Tsuda qui m'intéressait et que je ne comprenais pas. Et donc malgré le fait que pendant un certain nombre d'années j'aie tourné… c'était le truc des années soixante-dix… on allait chez Roger Richaud, dans le 2e arrondissement, quand Me Tamura passait, on faisait les stages ; quand Me Chiba passait, on faisait les stages ; quand Me Kobayashi passait, on faisait les stages… Il y a eu le premier congrès international d'aïkido, en 1976, où tous les maîtres sont venus…celui qui m'a le plus choqué, c'était Me Shirata… Shirata c'était la découverte… Il est resté une semaine, puis il est reparti. Il était déjà assez âgé, mais son aïkido… je ne comprenais pas.
En parallèle, j'ai toujours continué chez Me Tsuda. Mais cela ne me suffisait pas : il y avait des semaines où je faisais 20 heures, 25 heures d'aïkido… Entre temps j'ai aussi eu l'occasion de rencontrer un jeune japonais qui s'est pointé à la Montagne Sainte-Geneviève… A l'époque, la Montagne Sainte-Geneviève c'était quand même un truc assez fort… Un soir, ce devait être en 1974, je vois débarquer un jeune Japonais de 22-23 ans qui me dit : „ Bonjour, est-ce que je peux m'entraîner ? “ Je lui dis que, bien sûr, il pouvait. Il avait son katana, tout l'équipement… Je lui demande s'il avait déjà pratiqué l'aïkido et il me répond : „Jamais !“ Je lui demande s'il avait déjà pratiqué autre chose et il lui : „ Oui, je suis le maître de l'école de ma famille “. En fait, c'était Me Tatsuzawa qui a une école de jiu-jitsu dans sa famille. Et pendant deux ans, deux ou trois fois par semaine, il nous enseignait à un ami et moi : on faisait du jiu-jitsu, du iaïdo, des armes, sans savoir ce que c'était : à l'époque, je ne connaissais même pas le nom de l'école. Mais par la suite, cela m'a servi, notamment pour les armes, aussi d'avoir un rapport avec ce jeune Japonais.
Je l'ai retrouvé il y a quatre ans, au Japon. Je n'étais jamais allé au Japon, parce que comme j'avais l'habitude de dire, je n'avais pas besoin d'aller au Japon, le Japon était venu à moi avec Tsuda. C'était donc très bien. Mais il y a quelques années, je me suis dit que, quand même, cela vaudrait le coup d'aller au Japon. Et avant de partir, un de mes élèves m'a dit : „Tu devrais revoir ton ami Tatsuzawa “. Comme je ne savais même pas où il était, il me propose de faire une recherche sur Internet. Et il trouve un Tatsuzawa Kunihiko. Je lui écris et il me répond : „ Oui, effectivement, j'étais à l'époque étudiant à la Sorbonne, maintenant je suis vice-recteur de l'Université de Kyoto, et je continue d'enseigner en tant que 19e maître de l'école Bushû-den Kiraku-ryû “. On s'est donc retrouvé au japon. Peu après, il devait faire des conférences à Bordeaux. Je lui téléphone, il décide de passer à Paris à notre dojo, Tenshin. Il est resté quelques jours, on a organisé un stage de jiu-jitsu avec lui et il nous a fait découvrir le Bushû-den Kiraku-ryû. Et on a vraiment trouvé ça très, très, très intéressant. C'est surtout des kata, il y a beaucoup d'armes différentes, il y a 181 kata de jiu-jitsu. Son école est la branche Bushû-den du Kiraku-ryû. Bushu est une banlieue de Tokyo : Bushû-den Kiraku-ryû c'est le Kiraku-ryu de la région de Tokyo.
Me Tatsuzawa m'a dit : „ Jusqu'à maintenant notre école était fermée, mais je serai très content, si ça vous intéresse, que vous puissiez continuer“. Et il y un petit groupe de personnes, de ceintures noires, qui ont été intéressées. Parce que son école, au Japon, cela périclite complètement, les Japonais ne sont pas du tout intéressés par ce genre de chose, surtout que c'est une toute petite école pas très connue. Il a quelques élèves à Tokyo, quelques élèves à Kyoto, mais il a peur que son école se perde. Cela nous a donc intéressé et ça fait trois ans qu'avec un petit groupe d'élèves on pratique le Kiraku-ryu, grâce aussi à un de ses élèves qui était en Allemagne et qui est venu très régulièrement faire des stages en France dans notre dojo. Mais on le pratique de façon extrêmement restreinte, parce qu'il s'agit de ne pas mélanger l'aïkido et le jiu-jitsu, de plus nous pratiquons de façon extrêmement traditionnelle, tel qu'eux le pratiquent au Japon, avec tous les rituels. Mais ce qui nous paraît intéressant, et j'en ai discuté avec Me Tatsuzawa, c'est qu'on retrouve beaucoup de choses qui sont à l'origine de l'aïkido. Je sais qu'officiellement l'origine c'est Takeda, mais il apparaîtrait – peut-être parce que les arts martiaux sont tous proches, que les écoles de jiu-jitsu sont très proches les unes des autres – qu'il y a des choses qui sont très, très proches. Ce qui nous intéresse nous, en tant que petit groupe de ceintures noires, c'est l'origine des techniques, mais c'est un intérêt vraiment historique. On n'envisage absolument pas de créer une école de jiu-jitsu.

Bien sûr, avec Me Tsuda j'ai pratiqué l'aïkido mais aussi le katsugen-undo, puisque Me Tsuda était un élève de Me Noguchi.
Aujourd'hui ce que je peux dire, c'est que l'aïkido tel que nous le pratiquons est ce qu'il est parce que nous pratiquons aussi le katsugen-undo, le mouvement régénérateur. Donc, pour moi, il y a deux choses qui comptent dans notre école, c'est le katsugen-undo et l'aïkido – l'un ne va pas sans l'autre, les deux sont importants. Le jiu-jitsu est quelque chose à part, c'est une recherche historique qui ne concerne que quelques personnes.

Vous avez travaillé avec les maîtres Nocquet, Noro et Tamura…

Oui. Me Tamura, j'ai fait des stages avec lui, je n'ai pas été directement son élève. J'ai fait l'école des cadres avec Jacques Bonemaison. Il y avait aussi Jean-Marc Chamot… A l'époque, tout le monde faisait ça : on voyait chez les uns, chez les autres, on essayait d'aller pêcher des choses un peu partout. Mais ce que j'ai trouvé chez Tsuda, je ne l'ai pas trouvé ailleurs. Et il y avait aussi la pratique du mouvement, du katsugen-undo, qui comptait beaucoup et j'ai donc fini par y aller, par suivre uniquement la voie de Me Tsuda. Ceci-dit, comme je le dis souvent à mes élèves, il m'a fallu sept ans pour reconnaître que Me Tsuda était mon maître. Pendant sept ans, je le trouvais extraordinaire, je trouvais que c'était un très grand maître, je trouvais que c'était vraiment très, très bien, et d'un point de vue philosophique, c'était aussi très important : il a écrit neuf livres… Et il m'a fallu sept ans pour dire : „ Ah, oui, c'est mon maître “. Et à partir de ce jour-là j'ai continué dans sa voie. Malheureusement il est mort en 1984, mais j'ai continué de toute façon.

Qui vous a le plus influencé en aïkido : Tamura, Noro ou Nocquet ?

En aïkido ? C'est Tsuda ! C'est clair, c'est Tsuda !

Et quelle est la différence entre son aïkido et celui des autres ?

Tsuda a été un élève de Me Ueshiba, de O Sensei pendant dix ans. C'est Me Nocquet qui a amené Me Tsuda, parce qu'il l'a pris comme traducteur. Après Me Tsuda a servi de traducteur à des gens comme Jean-Gabriel Greslé *, etc. Mais Me Tsuda avait déjà une formation de Seïtaï, avec Me Noguchi. Peter Shapiro en a d'ailleurs récemment parlé **. Du fait qu'il parlait des langues étrangères, l'anglais et le français – puisqu'il avait déjà vécu en France à une époque – il a eu l'occasion de traduire des conversations avec Me Ueshiba. Et il disait lui-même que cela lui avait beaucoup appris. En plus, il avait 45 ans quand il a découvert l'aïkido. Ce n'est pas un âge où, de toute façon, on est sportif… A l'époque Noro, Tamura étaient uchi-deshi, et Me Tamura raconte *** dans un article récent qu'ils étaient comme des enfants de maternelle écoutant le discours d'un universitaire… Et Me Tsuda nous disait aussi ça. Il disait que comme il avait 45 ans, qu'il était d'une autre culture – Me Tsuda était vraiment un philosophe, il avait une grande culture, il a étudié à la Sorbonne avec Marcel Granet et Marcel Maus – et que c'était pour ça qu'il était plus à même de comprendre le discours philosophique de Me Ueshiba. Me Tamura raconte aussi que quand il dormait au dojo, il y avait des élèves extérieurs qui venaient et frappaient aux volets en criant „Tamura, Tamura“ pour les réveiller… Et effectivement Me Tsuda nous racontait que c'était ce qu'il faisait le matin, parce que des fois Tamura n'était pas réveillé, ou Noro ne se levait pas assez vite… J'ai beaucoup aimé l'article de Me Tamura, il parle avec beaucoup de simplicité de ce qu'il a vécu…

Donc Me Tsuda a pratiqué pendant dix ans avec Me Ueshiba, puis il est venu en France. Ce qu'il a apporté, c'est d'abord la découverte du katsugen-undo : c'est lui qui nous l'a fait découvrir. Pour lui, il y a une chose qui est importante, c'est la respiration. C'est elle qui est déterminante, qui permet la fusion de sensibilité avec le partenaire. Pour lui l'aïkido n'était pas un art martial, c'était un „ non-art martial “. Et en même temps, ce n'est pas de la danse. Donc la forme reste la forme de l'aïkido, mais il y a une insistance sur la respiration, ka-mi, dont parlait Me Ueshiba, avec le jeu de mots sur kami…
Me Tsuda a mis en forme une première partie, que Me Ueshiba faisait sans jamais dire ce que c'était et que les élèves faisaient parfois comme une espèce d'échauffement, et qui a toujours paru très importante pour Me Tsuda. Me Tsuda faisait aussi du Nô, il a pratiqué le Nô pendant plus de vingt ans avec Me Hosada. Ainsi il était à même de découvrir quelque chose, et comme il parlait français comme vous et moi - sur la fin il parlait même argot – il a pu nous transmettre quelque chose. Et aujourd'hui encore, en aïkido, nous faisons toujours la même première partie qu'il a mise en forme, qu'il a ritualisée. Me Ueshiba faisait des choses très différentes, il ne faisait pas toujours la même chose. Mais certaines choses restaient les mêmes. Et Tsuda l'a ritualisée. Et c'est ce que je pratique tous les matins, à sept heures moins le quart, comme on le fait dans tous les dojo de notre école.
Me Tsuda nous a transmis des choses importantes : pendant une des formes de méditation debout, dans la première partie qu'il a appelée „pratique respiratoire“, il disait ; „ka-mi“, inspire-expire. Ensuite il y a funakogi undo et tama-no-hireburi. Là encore Me Tsuda insistait, et donc étant son élève, j'insiste aussi, sur le fait que les trois mouvements de funakogi undo se font avec trois rythmes „ jo, ha, kyu“. C'est connu, mais ce n'est pas souvent fait. En Occident, en musique, on a le rythme largo, le rythme andante, et le rythme presto, prestissimo. Quant aux trois sons, je ne sais pas pourquoi, mais je ne les ai jamais retrouvés ailleurs. Me Tsuda nous disait : „ On commence à gauche et on fait ei-ho, ensuite à droite avec ei-sa, et ensuite encore à gauche avec ei-sa“. On va me dire que ce n'est pas juste, que c'est comme ça… Je n'en sais rien, je cherche à travers ce que m'a donné mon maître et je continue à chercher dans cette voie. Et il y a trois rythmes. Et entre chacun, il y a tame-no-hireburi, la vibration de l'âme. Avec Me Tsuda on faisait inspire, expire et ensuite vibration qui part … Me Tsuda disait : „Me Ueshiba faisait seulement inspiration, non pas inspire-expire, mais inspire-inspire-inspire-inspire. Alors on le fait, c'est une inspiration très lente, mais quand on ne peut plus, on arrête et on expire. C'est tout simple. D'abord on invoque Ame-no-minakanushi, le centre de l'univers, puis Kuni-tokotachi, la matière, puis au troisième, Amaterasu, "la" soleil. Me Tsuda disait que l'on passe de quelque chose d'inconnaissable – le centre de l'univers, on ne sait pas ce que c'est – à quelque chose de concret, la matière et ensuite, ce qui anime la matière. Et dans notre école, chaque fois que l'on fait une séance, on fait ça. Quand on prononce ces mots c'est à la fois une invocation, une évocation … on n'est pas Shintoïstes, on n'est pas Bouddhistes, chez nous il y a des gens qui sont Chrétiens, Bouddhistes, Juifs, il y a de tout… Moi-même, je ne suis pas Bouddhiste, je serais plutôt… je n'en sais rien. Par contre, pour Me Tsuda, c'était un certain rapport au sacré.

Il y avait des gens de toutes les religions. Lui-même ne se disait absolument pas Shintoïste ou autre chose. Il citait un poème de Chuang Tzu, dont il disait que c'était son testament : „ Si vous me mettez en terre, les vers vont me manger, si vous me mettez dans la mer, les poissons vont me manger, faites de moi ce que vous voulez“. Et il l'a même mis au dojo… parce qu'il était aussi calligraphe.
Ce n'était pas seulement un maître d'aïkido. Il disait que réaliser ce que faisait Me Ueshiba était impossible, impensable… que l'on pouvait chercher à s'en approcher… Il disait: „J'ai connu Me Ueshiba, quand je le voyais marcher sur le tatami, je me disais que c'était ça…“. Il se levait tous les matins et il traversait tout Tokyo pour aller voir Me Ueshiba marcher sur le tatami. Il disait que parfois c'était la puissance d'un ouragan, parfois c'était la douceur… C'était toujours quelque chose d'extraordinaire… Il disait qu'il cherchait dans cette direction.
Le premier livre de Me Tsuda s'appelle „Le Non-Faire“ : c'était son idée : le non-faire.“

Qu'est-ce que c'est l'aïkido ?

Qu'est-ce que c'est l'aïkido ? Aujourd'hui, j'aurais tendance, vu ma compréhension actuelle, de dire que c'est la fusion de ki, la voie de la fusion de ki, la voie de l'unité du ki à travers les personnes. C'est une interprétation libre…

Quand j'ai créé mon premier dojo, à Toulouse, je l'ai appelé „Ecole de la Sensation“. Aujourd'hui, mes élèves ont changé le nom, ils l'appellent „Yuki Ho“. C'est très bien… Mais au départ, [dans] mon premier dojo [mon but], c'était permettre à des gens de redécouvrir la sensation. Les dojos ont été créés comme ça, et ils sont réservés à la pratique de l'aïkido et du mouvement régénérateur.

Me Tsuda disait qu'en Occident on ne pouvait pas avoir des uchi-deshi, les faire travailler : il vont se syndiquer, faire grève, dire que ça ne va pas du tout parce qu'ils ne sont pas payés… C'est évident. Mais à travers les associations, à travers les dojos, comme le dojo Yuki Ho à Toulouse, le dojo Scuola della Respirazione à Milan, à Paris, Tenshin, ce sont des personnes qui se sont regroupées et qui ont créé leur propre dojo. Les gens qui sont là entretiennent leur dojo et à travers le dojo on va réintroduire cette compréhension que l'on ne vient pas ici en client. Les gens ne viennent pas ici en clients avec l'idée que puisque on paye sa cotise, on a des droits. Pas du tout. Ici les gens payent leur cotisation pour régler le loyer, pour être là, pour pouvoir pratiquer, mais ils ne sont pas clients, ce sont des membres. Et dans notre école les gens pratiquent assez longtemps : ils sont dans leur dojo. Dès l'instant où ils sont membres d'un dojo, l'école est ouverte et ils peuvent aller à Milan, à Rome… etc. et pratiquer autant de temps qu'ils veulent tant qu'ils sont en règle avec leur cotisation dans leur propre dojo.

En gérant leur propre dojo eux-mêmes, en s'occupant de tout, du fait que c'est un lieu permanent, que ce n'est pas un gymnase, qu'il n'y a pas de femmes de ménage qui viennent… Ils sont chez eux, ils laissent leurs kimonos… Ça leur donne un certain rapport „proche“ de ce que pouvait être uchi-deshi et la différence c'est que là, le maître n'habite pas là, ça c'est clair. Mais eux-mêmes, ils organisent leurs propres séances, décident de leur fonctionnement, etc.

Et vous êtes professionnel…

Oui, depuis 1986.

Et comment est-ce que cela marche ?
Je fais des stages, et les associations me donnent un pourcentage sur le stage. Une part pour eux, une part pour moi. C'est tout. Ce n'est pas la fortune, mais… je suis travailleur indépendant, au début ça n'a pas été facile, maintenant ça va un peu mieux. J'enseigne à Paris, Milan, Toulouse, Ancona, Amsterdam, Rome. Mais à chaque fois, ce sont de petits groupes : l'Ecole Itsuo Tsuda ce n'est pas des milliers de personnes, c'est 200 personnes réparties entre tous ces dojos européens.

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