Gérard Blaize, Paris 2e partie

Je ne voulais plus être enseignant, je voulais être élève …


Dojo de Gérard Blaize - l'ancienne dojo de Me Noro.

C’est pour ça que la question est si, quand vous faites des armes en aïkido, est-ce que vous pouvez guider l’attaque de quelqu’un qui a un sabre ? Si vous ne pouvez pas le faire… il vaut mieux le faire sur une saisie du poignet, avec des situations beaucoup plus simples.
C’est pareil en sho-chiku-baï no ken, il y a très peu de techniques, c’est quatre mouvements : piquer, couper, remonter et recouper. Le problème, c’est que vous devez guider l’autre. Si vous y arrivez, ça va, si vous n’y arrivez pas, il vaut mieux faire du kendo, du kenjutsu, parce que l’on vous apprendra une certaine logique dans certaines situations.
C’est pourquoi je fais une distinction : pour moi, on ne doit pas faire d’armes en aïkido si on n’est pas capable sur une simple saisie du poignet de guider quelqu’un.
Malheureusement, la plupart des maîtres qui ont connu le fondateur de l’aïkido sont morts, très peu vivent encore, mais si on regarde comment fait Me Tamura, par exemple, il commence le premier, il ne regarde pas et il aspire… sauf qu’il ne va pas l’expliquer ! Il ne le dit pas, mais quand il le fait, si vous regardez bien, avant le shomen, il met toujours la main en premier. La base, c’est commencer le premier.
Commencer le premier, ce n’est pas si simple que ça. Une fois que l’on a compris, on a un principe, on crée un cadre, et dans ce cadre on s’entraine. Au début on fait le plus simple : par exemple, ikkyo à genoux, est la technique la plus simple et que l’on se met assez proches pour que, étant assez proche, l’autre n’ait pas le temps d’attaquer, et vous pouvez commencer le premier, et vous enchaînez. Et après, vous avez des situations où la distance s’agrandit. A ce moment-là l’attaque va avoir lieu, à ce moment vous entrez, appelez les attaques et guidez, ce qui est déjà plus difficile. Après vous pouvez essayez de le faire avec quelqu’un a une arme, mais c’est presque impossible.
C’est pour ça que je fais cette distinction. Les armes… pour la coordination motrice, je veux bien, pour le travail des hanches, je veux bien, mais c’est toujours pareil : le travail des hanches, c’est quand on a dix ans de pratique de iaïdo, de kendo, ou d’école d’armes, là, oui, on commence à utiliser le sabre différemment, on commence à utiliser les hanches. Mais pas quelqu’un qui fait une demi-heure d’armes une fois par semaine ou deux fois par mois, c’est inutile. Il faut en faire tous les jours. Je vois bien pour moi: je suis 7e dan de jodo, et c’est difficile… pourtant je suis professionnel. Il faut s’entrainer, autrement on ne progresse pas. Il faut avoir le temps, il faut avoir les élèves… Il faut aussi avoir les élèves qui ont le niveau. Heureusement que j’ai des élèves qui sont 5e, 6e dan et je peux pratiquer avec eux… et j’ai le temps. Mais quelqu’un qui travaille dans un bureau n’a pas le temps.
Déjà le travail en aïkido, ne serait-ce que les choses simples : les saisies à l’épaule, aux poignets, appeler un shomen, appeler un yokomen, guider…

A une époque, Hikitsuchi Sensei nous avait enseigné le kotodama. Et à ma connaissance c’est un des rares professeurs – il y en a peut-être eu d’autres, mais c’est le seul que je connaisse – qui ait pu dire la relation entre une technique et les vibrations. Pour simplifier, on peut dire qu’à un geste correspond un son, à un autre geste, un autre son. Il nous l’a enseigné, à un autre pratiquant et à moi, mais à sa façon, c’est-à-dire que ce n’était pas très précis. Il disait : ”Là, il y a un son ; là, il y a un son, et dans les techniques, il y a tous les sons.” D’accord… mais comment faire ? Et donc j’avais commencé l’étude avec mes élèves. Puis j’ai arrêté par ce que certains élèves ont eu des réactions un peu étranges.
Mais depuis la parution de Takemusu Aïki, à nouveau je vois qu’O Sensei dit que l’aïkido c’est le kotodama, que c’est l’expression du kotodama, je me suis donc remis à fond dans la relation entre la gestuelle d’aïkido et les vibrations. Si on essaie de faire les techniques telles qu’O Sensei les faisait, on se rend compte que tous les sons sont dans les techniques, dans chaque technique d’O Sensei, il y a tous les sons du kotodama. Il n’y en a pas beaucoup : se sont les voyelles. Et avec ça, j’ai donc commencé à étudier comment faire la technique avec une vibration.
Actuellement mon expérience c’est comment comprendre ces paroles d’O Sensei, pourquoi dit-il toujours que l’aïkido c’est le kotodama. Pour moi, c’est un son qui crée une vague, et la vague crée la gestuelle, et cela crée la technique.
Mais nous, nous faisons l’inverse: on part d’une gestuelle… la gestuelle d’aïkido, telle qu’O Sensei le faisait, on voit que ce sont des vagues, ça n’a rien à voir avec des techniques de jiu-jitsu. Ce sont des vagues, et si on connaît les vibrations, on peut voir que cela correspond à une vibration: à une vague donnée correspond une vibration donnée. Là il y a un son avec tel geste, puis un autre son avec tel autre geste, et dans les techniques il y a tous les sons.
C’est ce que j’étudie actuellement, et là dedans, les armes sont très loin…

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